Son dixième long métrage, Un amour impossible, a reçu le Prix Alice Guy 2019. Le jury l’a désignée mais que pense Catherine Corsini de ce nouveau prix?

«Vu le peu d’échos et de récompenses que raflent les réalisatrices, ce Prix Alice Guy est important : il donne la voix aux femmes. Nous en avons besoin»

De retour des festivals d’Athènes et d’Istanbul où elle est allée présenter Un amour impossible, Catherine Corsini réagit au Prix Alice Guy 2019 qu’elle a reçu pour ce film, son dixième. Elle succède ainsi à Lidia Terki et Paris la blanche, sacrés l’an dernier.

L'interview de Catherine Corsini - Prix Alice Guy

Catherine Corsini à la remise du Prix Alice Guy 2019 pour son Un amour impossible

Vous êtes la deuxième lauréate du Prix Alice Guy. Qu’avez-vous pensé de cette expérience ?
Catherine Corsini : Quand j’ai vu la naissance de ce prix l’an dernier, j’étais sceptique. Il y en a déjà beaucoup, comme de festivals. Fallait-il en ajouter un à une liste déjà longue ? Vu le peu d’échos et de récompenses que raflent les cinéastes femmes dans le panorama actuel, ce Prix Alice Guy est important : il donne la voix aux femmes. Et nous en avons besoin. Au final, j’étais très contente.

La valeur du jury et des films

Qu’est-ce qui vous a convaincu ?
Catherine Corsini  : Le jury avait l’air enthousiaste. Il regroupait des professionnels dont j’admire le travail. Ce Prix Alice Guy a beaucoup de valeur par rapport aux gens qui le remettent et aux films qui concourent. Toutes les initiatives qui éclairent les cinéastes femmes ont du sens, ont du bon, puisque nous avons un handicap de visibilité et de notoriété.

Ce Prix met aussi en avant la première cinéaste au monde. Connaissiez-vous Alice Guy ?
Catherine Corsini : J’en avais entendu parler au Festival de Films de Femmes de Créteil et par le réalisateur Bertrand Tavernier. Mais je connaissais mal la richesse de sa production, de ses réalisations, son audace, sa curiosité et son parcours absolument incroyable. Ca donne envie de défendre un prix qui porte son nom, un peu comme le Prix Jean Vigo, et de partager leur énergie de précurseurs.

 

Aviez-vous déjà vu des films d’Alice Guy ?
Catherine Corsini  : Non. Mais, c’est absolument dément ! J’ai adoré Madame a des envies ! Ce film est drôle, iconoclaste, merveilleux, formidable, réjouissant. Même la danse avec les noirs – le Cake Walk Nègre –, les sujets qu’elle filme sont en avance sur son temps. Son travail est précieux et donne un sens à ce Prix. On se sent redevable, on apprend quelque chose, c’est très intéressant.

Une voix du collectif 50/50

Pourtant, vous faîtes partie des cinéastes engagées, militantes, n’est-ce pas ?
Catherine Corsini : Disons que je suis interpellée par des sujets et que je réagis quand je peux. Quand je peux donner de la voix, par mon statut, je le fais. Je reste en alerte, notamment à la SRF (Société des Réalisateurs de Films- ndlr), en interpellant les pouvoirs publics sur la notion d’auteur, sur la liberté, sur la place du cinéma…

Mais, vous appartenez au Collectif 50/50 ?
Catherine Corsini : J’y suis depuis les tout-débuts. Je connais bien Céline Sciamma et elle m’a fait l’honneur de m’inviter à la première réunion, à laquelle nous n’étions qu’une trentaine. Malheureusement, j’étais en pleine finition de mon film et donc peu assidue. Mais, je reste proche de Céline Sciamma et de Rebecca Zlotowski. Je suis heureuse de ce qu’elles ont fait et obtenu, de la manière dont elles ont engagé ce mouvement en n’étant pas dans la punition mais au contraire, en donnant plus à ceux qui sont plus paritaires. C’est incitatif et malin. Et si je suis plus disponible, je m’y impliquerai volontiers.

 

N’avez-vous pas peur que l’enthousiasme et les actions menées ces derniers temps ne retombent ?
Catherine Corsini L’histoire du féminisme le prouve, les acquis ne le sont jamais totalement. Les retours de bâtons sont toujours susceptibles d’arriver. Les avancées et les prises de conscience sont importantes. On progresse par à-coups, c’est normal et cela reste joyeux. J’ai passé des années où se dire féministe était atroce, affreux. Aujourd’hui, c’est un mot pêchu dont on se revendique. Le mouvement est reparti dans un sens positif.

Propos recueillis par Véronique le Bris (Cine-Woman)

Catherine Corsini a confié ses Tops 5 de films de femmes à Cine-Woman. Venez les découvrir.