Tout sourit à Audrey Diwan, scénariste recherchée et réalisatrice choyée de L’Evenement, Lion d’or à Venise et Prix Alice Guy 2022.

« Plus on applaudit les réalisatrices, plus on désarme la méfiance d’une industrie à leur égard »

Sacrée dès son deuxième long métrage du Lion d’or à la Mostra de Venise 2021 et juste avant de s’envoler pour la sortie de L’Evénement aux Etats-Unis fin avril, Audrey Diwan passera au Max Linder, le vendredi 8 avril 2022 en soirée, pour récupérer le Prix Alice Guy dont elle est la cinquième récipiendaire. C’était l’occasion de s’entretenir avec elle d’Alice Guy bien sûr, de la considération que son univers professionnel porte aux femmes et de son sentiment personnel sur le sujet.

Audrey Diwan lauréate du Prix Aliec Guy 2022 - prixaliceguy.com

Audrey Diwan lisant Annie Ernaux dont elle adapté le roman autobiographique L’Evénement

Audrey Diwan connaissait-elle Alice Guy avant d’en remporter le prix ?

« De nom surtout, reconnaît-elle. Grâce au Collectif 50/50 qui travaille sur l’égalité et l’inclusion, j’ai découvert quelques uns de ses films et son parcours : celui d’une réalisatrice précurseuse dont l’histoire a oublié le nom. Ca me paraît fou ! En voyant ses films, j’ai assisté sidérée à l’inventivité technique, à la magie qu’elle met en abîme et qu’elle explore en pionnière, avant Méliés. J’ai alors compris ce désir de rappeler qu’il y a une femme à l’origine des premiers pas du Septième art. Anna Mouglalis, qui m’accompagnait et qui est un puits de science à cet endroit, m’a alors racontée l’histoire de cette cinéaste et des autres films qu’elle a vus ».

Recevoir le Prix Alice Guy, cela a-t-il du sens pour Audrey Diwan ?

« Bien sûr, répond elle. Culturellement, dans cette industrie-là,  on nous a appris à se méfier de notre genre. Mon espoir est que le genre ne soit plus une question. Je sais qu’on est sur un chemin, que le monde change mais lentement. Le Prix Alice Guy met la lumière sur une réalisatrice. Et j’ai le sentiment que plus on applaudit les femmes cinéastes, plus on désarme la méfiance d’une industrie à leur égard ». Ce qu’elle tempère aussitôt en se demandant quel type de projets de cinéma laisse-t-on les femmes mener à bien. Accepte-ton qu’elles développent une ligne artistique claire, une forme de radicalité ?

« Je ne veux pas pêcher par angélisme, poursuit-elle, mais j’ai l’impression que cette succession de prix remis à des femmes depuis un an et demi encourage l’industrie à leur faire confiance. On vit ce moment là et quelle joie de le vivre ! Et peu importe qu’il y ait une forme d’opportunisme ! Je ne peux pas croire que les producteurs n’aient pas d’intérêt propre pour les sujets abordés par ces femmes. C’est long et difficile de produire un film…. », conclut-elle.

Son genre a-t-il été un obstacle ?

« On m’a beaucoup interrogé sur le female gaze tout au long du parcours du film. J’en étais heureuse et fière tant je trouve qu’il est important d’en parler. Puis j’ai compris que mon regard était circonscris à mon genre. C’est le plus mauvais retournement qui peut s’opérer. Une valeur positive devient alors une prison…Certes, je suis une femme mais aussi le fruit d’une culture, de mes études, d’un vécu, d’une cinéphilie… Je veux interroger ce regard de manière ouverte, au bon endroit, en valorisant ce que peut être la spécificité d’être une femme, mais aussi un individu plus complexe que cela ».

Au regard des nombreux projets qui l’attendent, ceux qu’elle écrit pour elle ou pour et avec d’autres, gageons que sa complexité qui se lit déjà dans le vocabulaire précis qu’elle utilise au quotidien apparaîtra de plus en plus.

©Thibault Gast